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Récit d'un cycle de formation à l'alpinisme hivernal

  • Arnaud Pasquer
  • 2 juin
  • 9 min de lecture

Début Septembre, pour ma 5ème année de formation en alpinisme hivernal, je décide de monter un cycle long sur 16 journées ou sorties, uniquement le week-end, allant d'Octobre à Mai, donc élargi à l'automne et au printemps.


16 journées, c'est une opportunité intéressante pour les "stagiaires" du groupe, et cela fera pas mal de déçus non retenus... plutôt que de faire deux groupes sur une durée plus courte pour contenter le plus de monde.

16 journées passées ensemble, c'est beaucoup : suffisamment pour voir tous les aspects de l'alpinisme, créer un groupe solide et instituer une franche camaraderie, mais aussi pour créer une certaine lassitude et passer énormément de temps à se creuser la tête sur les courses possibles à un instant T. Un aspect est à prendre en compte aussi, c'est la fréquentation. Un itinéraire en conditions, si celles-ci sont connues (internet, réseaux sociaux) signifie une impossibilité d'y aller le week-end. La première conséquence de cela, c'est que je crains de ne pouvoir proposer une sortie en cascade de glace (il faut de toutes façons 2 itinéraires proches avec 2 encadrants ou splitter le groupe sur 2 sorties). Et à bloquer pas mal de week-ends je risque donc de ne pas faire de cascade de glace de tout l'hiver même à titre personnel, et c'est le point noir pour moi de créer ce long cycle. En tant qu'encadrant, j'apprends toujours des choses lors de sorties, que ce soit en gestion de groupe, en pédagogie, en gestion de problème potentiel. Mixer sorties personnelles et sorties encadrées est un bon équilibre à avoir, or ces dernières années j'ai trop fait de sorties encadrées.


Mais c'est intéressant de se renouveler aussi : habituellement j'aime surtout proposer des semaines complètes plutôt que des week-ends (que je souhaite garder surtout pour ma pratique personnelle).

Autre nouveauté : je changerai de co-encadrant à chaque sortie, histoire de varier aussi les plaisirs et de voir ce que chacun peut apporter. Cela fera aussi quelques heureux car on me demande souvent de venir co-encadrer mes sorties.

Au programme de ce cycle : de l'escalade sur coinceurs, du rocher, de la neige, du mixte.

Un premier week-end en Octobre nous envoie dans les Bauges au Roc des Bœufs avec un dodo sous tente collective et un repas en commun préparé par certains. Convivial ! Une grande voie école et une arête le lendemain, qui permettent de voir les forces et les faiblesses de chacun, et de faire connaissance.


Apprentissage de la grimpe sur coinceurs au Roc des Boeufs
Apprentissage de la grimpe sur coinceurs au Roc des Boeufs

Il sera suivi d'une virée de trois jours à la montagne sainte victoire, avec de belles réalisations dans la besace, et une ambiance un peu "colonie de vacances" qu'il va falloir un peu gérer pour ne pas que cela impacte sur la sécurité.


De belles envolées sur coinceurs
De belles envolées sur coinceurs
Grimpe sur coinceurs à la Sainte Victoire
Grimpe sur coinceurs à la Sainte Victoire

Deux points sur lequels j'insiste souvent en grande voie est de rallonger les points mais surtout en utilisant des cordes à double, il faut impérativement veiller à ce que les cordes ne se croisent jamais. Le problème le plus courant (et potentiellement dangereux) qu'il peut nous arriver (avec le rappel coincé) est deux cordes qui se croisent au niveau d'un mousqueton, créant un tirage puis un blocage empêchant le leader de continuer à progresser et obligeant le second à engager pour aller décoincer le bouzin. Hé bien ce séjour me donnera l'occasion de ramener une photo d'un cas d'école, causé par un coinceur mousquetonné sans dégaine rallongeable. Je vous laisse profiter du spectacle :-) :


Blocage occasionné par un coinceur sans dégaine rallongeable
Blocage occasionné par un coinceur sans dégaine rallongeable

L'hiver arrive et on se prend un semi-but "timing" sur une arête bien enneigée en Chartreuse. Mais ce fut très formateur, notamment la gestion d'une retraite en groupe, et comment optimiser le temps.


Alpinisme hivernal en chartreuse
Alpinisme hivernal en chartreuse

Je leur présente ensuite une visio de 2 heures sur la nivologie, en insistant un peu sur le fait de ne pas tout baser sur le BERA (bulletin d'estimation du risque d'avalanche).

Exemple avec un bulletin début Mars, l'indice de risque est de 1 […] avec une phrase prêtant à sourire : "très peu d'activité à attendre Samedi en dehors d'une éventuelle plaque de fond qui viendrait à glisser spontanément jusqu'au sol dans une pente raide". Par analogie avec la mer, c'est un peu synonyme d'un "la mer sera calme sur l'ensemble du littoral, le drapeau vert sera sorti à peu près partout, mais on n'est pas à l'abri d'un tsunami" ! Un club que je connais a vécu une de ses plus grandes avalanches par risque 1. Le risque ne tient pas compte de toutes les configurations impossibles à évaluer sur tout un massif, cela n'exclut donc surtout pas sa propre analyse personnelle !

Illustration deux semaines plus tard lors d'une sortie perso en altitude dans les Ecrins, le risque est maximal au dessus de 2400m (4), ça purge partout dans le raide mais dans les pentes à 30/35 cela est étonnamment stable, la neige est tombée sans vent, aucune plaque, étude du manteau sans aucun doute possible: il suffit de ne pas rentrer trop tard, on effectue donc la course prévue heureux comme tout et pas du tout inquiets. Au retour je constate que le BERA a été modifiée, le risque de plaques a été retiré, CQFD. Ou comment une sortie par risque 4 peut être plus sûre qu'une sortie par risque 3 voire 2, avec un manteau neigeux compliqué à étudier. Mais à ne pas forcément prendre comme exemple, les circonstances étaient particulières, je ne sors d'habitude jamais par risque 4 !


On approfondit cet aspect "avalanches" avec l'étude des coupes du manteau neigeux effectuées dans les alpes et disponible en ligne, avec une restitution en groupe la veille de la sortie suivante. Cela montre l'aspect souvent millefeuille du manteau, son hétérogénéité d'un endroit à un autre et la complexité de la nivologie. En fait on ne peut jamais être sûr de rien, on ne sait pas grand chose, et à l'opposé, en se basant uniquement sur ces coupes, on n'oserait plus sortir nulle part…


Alpinisme hivernal dans le Vercors
Alpinisme hivernal dans le Vercors

Deux sorties coup sur coup ont lieu dans un couloir/goulotte, une dans le Vercors, dans les très esthétiques tours du Pleynet où les conditions sont à bien juger et évaluer, une autre dans le petit massif du Combeynot, à l'entrée des Ecrins.

Pour être en forme pour la seconde je décide de partir la veille et de dormir dans un gîte, ceci afin d'éviter de se lever en pleine nuit (et accessoirement éviter qu'ils ne sortent la veille), c'est aussi ça la sécurité. Ce fut je crois apprécié de tous, y compris du co-encadrant du jour !

Réveil 6h17 après une nuit pas idéale (couverture très fine style couverture donnée dans les avions..) et le vent qui souffle dehors. Petit coup d'œil sur le téléphone et la station météo du col du Lautaret en direct. 70km/h de moyenne.. Bon, encore plus venteux que prévu et après pas mal de temps passé dans la semaine à préparer la sortie et les suivantes je n'ai pas eu le temps de prévoir un plan B, me disant "au pire on aura des conditions un peu difficiles mais ça ne remettra pas en cause la sortie". Mais là j'ai le stress de l'encadrant qui réalise qu'on va se prendre un but au parking, dans l'approche ou au mieux dans la voie, et qui réfléchit à toute vitesse pour un plan B qu'il ne voit pas…


Alpinisme hivernal dans les Ecrins
Alpinisme hivernal dans les Ecrins

Finalement le vent est raisonnable, bonne surprise, la station météo est situé dans le vallon à l'endroit où l'effet venturi semble le plus fort et au pied de la goulotte on se retrouve quasi à l'abri !

La goulotte est bien raide et je n'ai pas du tout envie de redescendre par le même chemin … c'est donc avec une grande satisfaction que je réalise sur le haut que le vent n'est pas fort, et qu'on va avoir le temps de redescendre par l'arête et les pentes moins raides à droite avant que la tempête n'arrive ! Sur ce coup là, on a été chanceux mais aussi un peu joueur…


Beau couloir/goulotte dans les Ecrins
Beau couloir/goulotte dans les Ecrins

Début Avril, je leur propose une sortie "off", "hors cycle", dans les Ecrins, pour leur montrer quelques astuces en ski-alpinisme. Nous irons à 4 à la grande ruine avec une belle boucle réalisée.


Ski-alpinisme dans les Ecrins
Ski-alpinisme dans les Ecrins

Mi Avril on profite du week-end de trois jours pour partir dans les Ecrins. Il a fallu que je jongle entre probabilités de bonnes conditions, possibilités de courses différentes, disponibilité du minibus et places libres en refuge (il y a de plus en plus de monde en montagne, et il faut anticiper bien plus que par le passé où je réservais quasi la veille pour le lendemain…). Cela me vaudra une bonne prise de tête et quelques soirées passées début Mars à passer du plan A au plan B, C, D... Je décide d'aller finalement au refuge de Villar d'Arene. Du coup j'en profite pour leur demander de pour planifier le dernier week-end d'Avril : préparation de la course, choix de la destination.. C'est un bon exercice et cela fait partie de l'accès à l'autonomie. J'ai hâte de voir leur copie !

Une semaine avant ce long week-end on se réunit, et ils me présentent leur copie, une proposition de Camille d'aller au refuge Albert 1er pour une variante à l'aiguille du tour. C'est original mais on risque de brasser... donc je garde le refuge de Villar d'Arene pour le 26 Avril et pour le week-end de Pâques, on modifie les plans trois jours avant ! Il tombe des paquets de neige et le risque avalancheux passe même à 5 dans certains endroits des Alpes, à la frontière italienne notamment. Ce gros retour d'Est nous oblige à partir sur du rocher durant 2 jours avec bivouac sous tente au milieu. Direction le Diois sur une proposition de Baptiste. Une dalle assez facile, et une grande voie semie-équipée (pas grand chose à part les relais), le pilier de l'Impromptu, une course que je prévoyais de faire en perso, un poil ambitieux pour le groupe. Mais ils grimpent bien, certains se battraient presque pour leader, et nous serons deux encadrants alors feu !

J'apprécie leur réactivité d'avoir proposé un nouveau plan aussi vite. La journée fut assez longue, avec un peu de pluie et de grêle au sommet, mais ils s'en sortent merveilleusement bien, et je mesure l'évolution depuis la 1ère sortie ensemble au roc des boeufs.

ça déroule dans les dalles faciles du Dévoluy
ça déroule dans les dalles faciles du Dévoluy
Grimpe sur coinceurs dans le Dévoluy, pilier de l'Impromptu
Grimpe sur coinceurs dans le Dévoluy, pilier de l'Impromptu

La semaine d'après la météo n'est pas encore avec nous, c'est rageant car je prévoyais avec un encadrant en ski de leur faire faire une belle sortie en ski alpinisme, mais retour aux fondamentaux, un couloir peu fait dans les Ecrins dans une atmosphère nuageuse et neigeuse, avec une expérience intéressante sur le changement rapide des conditions qu'il peut y avoir au printemps (il a neigé dans la nuit et le soleil qui arrive un peu plus tôt que prévu réchauffe vite la neige lors de notre descente non prévue du couloir) et un petit rappel à l'ordre sur les dangers de l'alpinisme et l'anticipation des problèmes ...


Alpinisme (bien) hivernal dans les Ecrins
Alpinisme (bien) hivernal dans les Ecrins

Il reste un dernier week-end fin Mai, la belle arête de la traversée Beccaz-les mouches prévue lors de l'élaboration du programme initial me parait trop longue pour une 1ère arête gazeuse, donc je leur propose d'aller au refuge Albert 1er : cela offre pas mal de possibilités comme le sommet N de l'aiguille du Tour par l'arête E, la Chardonnet par la voie normale (de descente), ou l'arête de la table à l'aiguille du Tour : cette dernière est complète, il y a du glacier, du rocher, de la recherche d'itinéraire, une boucle, c'est une vraie belle course d'alpinisme qui clôturerait le cycle (et elle est dans les 100 plus belles). J'avais fait il y a longtemps le couloir de la table en 2007 cela ne me rajeunit pas...


Alors que les conditions s'annoncent parfaites, il neige quelques jours avant, plongeant l'arête de la table dans des conditions hivernales. Au refuge, alors que nous avons monté tout le matériel pour la course le tour de table est assez unanime sur le fait que l'on risque de se prendre un but, et il serait plus sage de viser la voie normale de l'aiguille du tour. Je suis agréablement surpris de leur réflexion, qui montre une certaine maturité de leur part et d'évolution dans le cycle (nul doute qu'en début de cycle le tour de table aurait été différent).

Avec la neige la course se transforme en une petite mission brassage pendant m'approche, et un mixte final intéressant. Les nuages s'ouvrent au sommet pour nous laisse profiter de la vue, ce qui clôt de belles manières ce 1er cycle long.

Le groupe était au top et le format long a créé une vraie dynamique et une solidarité entre eux que j'ai apprécié. C'est presque avec nostalgie que ce cycle se termine.


L'an prochain je changerai encore certaines choses, sûrement en faisant un cycle plus court sur un ensemble de 10 week-ends bloqués mais seulement 5 réalisés, pour pouvoir être hyper flexible à J-3 en fonction de la météo et des conditions. A suivre !


Sommet de l'aiguille du tour en conditions hivernales
Sommet de l'Aiguille du Tour en conditions hivernales



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