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1ère expérience himalayenne dans le massif du Ganesh Himal


La journée aura été chouette, faite de découvertes et d'un peu d'exploration : j'aime ces moments où il faut chercher et découvrir l'itinéraire.
Le massif du Ganesh Himal vu d'avion avec le Paldor à droite

Ce récit, et l'ascension du "pic Mouton" sont dédiés à Ophélie, partenaire de cordée d'une semaine dans le Caroux l'an dernier, et décédée cet été. Ophélie, tu devais faire partie de l'expé et j'ai beaucoup pensé à toi là-haut. Ce sommet de consolation, il était aussi pour toi.



Après la mise en jambes à l'Imja Tse (cf https://www.pasquer-voyages.com/single-post/imja-tse-6189m), je ne suis pas mécontent d'avoir quelques jours de rab à Katmandou le temps de récupérer un peu de cette toux persistante et cette sensation de fatigue.

Après une semaine de repos, départ pour le massif du Ganesh Himal avec Aline, nouvelle recrue, Emilie fidèle adjointe, et Matthieu, connu lors d'un voyage au Kirghizstan (https://www.pasquer-voyages.com/single-post/ski-randonnee-montagnes-kirghizstan) et qui devait venir au Tilicho (https://www.pasquer-voyages.com/single-post/expedition-tilicho-2021). Equipe équilibrée puisque cela donne deux personnes habituées des expés et deux personnes dont ce sera la première expérience en Himalaya. Or le massif du Ganesh Himal semble être parfait pour cet exercice : pas trop d'approche, altitude raisonnable, un seul camp d'altitude, et plusieurs possibilités de difficultés croissantes.

Camp sauvage pendant l'approche au pied de la montagne
Camp sauvage pendant l'approche au pied de la montagne

Ce massif, accessible rapidement depuis Katmandou via notamment la route remontant la vallée Trisuli jusqu'à Syabru Besi, n'a pas l'aura de certains massifs comme le Khumbu Himal. Pourtant, le Pabil (Ganesh Himal IV), le Lapsang Karbo (Ganesh Himal II) et le Ganesh Himal V, qui se suivent en enfilade de gauche à droite vu du Sud, en imposent, comme nous pourrons nous en rendre compte lors du trek retour !

Le planning de la marche d'approche, effectuée d'Est en Ouest, a été pensé pour s'acclimater le plus vite possible, sans forcer. Les altitudes où nous dormons sont idéales, et les journées, courtes, permettent de faire deux étapes en une si quelqu'un venait à être malade pendant le trek (une de mes hantises), l'inconvénient étant que nous arriverons toujours de bonne heure à notre lodge ou notre campement.

Comme nous ne suivons pas la route en terre lors de notre 1er jour de trek et coupons tout droit dans la pente, nous arrivons encore plus tôt à notre lodge, et cela nous permet de voir qu'Aline sera une adversaire redoutable aux cartes (et que les garçons sont taquins, ou mauvais perdants).

La team Paldor, ici dans notre tente au High Camp à 5200m
La team Paldor, ici dans notre tente au High Camp à 5200m

De ce côté là, par l'Est, la vue se porte jusqu'aux montagnes faisant frontière avec le Tibet, et au milieu de ce décor c'est le Langtang Lirung, 7234m, majestueux, qui trône et domine le massif du Langtang.

Après trois jours de marche nous passons le col Khurpudanda pour basculer sur le village de Samdang et voir le sommet du Paldor pour la 1ère fois, l'objectif que nous nous sommes fixés.

Etonnamment, je le trouve un petit peu sec, malgré les chutes de neige post-mousson qui ont eu lieu tout début Octobre.

Nous croisons aussi un trekkeur, perdu dans ce coin tranquille où il y a peu de lodges (nous ferons en tout trois nuits en dur et deux nuits sous tente lors de la marche d'approche) et peu de touristes (ça me change du Khumbu !).

Camp de base du Paldor
Camp de base du Paldor

Après une nuit dans une incroyable ancienne mine de Plomb et de Zinc, nous arrivons au camp de base, non sans avoir hésité sur le chemin à prendre pour y arriver : rive gauche du canyon, ce qui semble le plus intuitif, ou rive droite du canyon en traversant probablement le pire pont que j'ai du traverser au Népal (le précédent était un très long pont en fer qui s'était à moitié effondré après une grosse avalanche et des blocs tombés sur les câbles; je n'avais pas vu qu'un nouveau s'était construit 50m plus bas). Après avoir fait l'aller-retour sur le pont en frissonnant, Aline, imperturbable, fait de même et va voir sur la crête, tandis que je pars rive droite rejoindre Bis, parti en éclaireur, qui fait office de guide sur notre trek et sera notre habituel cuisinier au camp de base. Passé le verrou qui donne accès au vallon où s'établit naturellement le camp de base, je continue plus haut en direction de la moraine, en espérant que Bis et nos porteurs suivent, afin d'établir le camp de base le plus haut possible, vers 4500-4600m. Mais en redescendant je constate qu'ils se sont arrêtés à l'entrée du vallon, à 4450m. Ce n'est pas grave, cela nous rajoutera juste 45min de marche de plus en "grosses".

Le thème du séjour en tout cas est donné, il y aura une petite part d'exploration et d'inconnu qui font le charme du voyage.


Le Paldor est un sommet situé à l’extrémité de la chaîne du Ganeh Himal et sa situation elle-même, ainsi que son altitude, ne sont pas claires. D'après l'endroit où il est décrit, il s'agit pour moi en fait du Paldor Sud, le plus haut sommet étant plus au Nord, et c'est celui-ci qui est présenté comme le Paldor sur certaines cartes. Sur Google Earth on voit bien que ce dernier est situé plus haut. Nous irons donc comme prévu sur le Paldor "officiel" mais qui s'appellerait plutôt Paldor Sud et situé non pas à 5928m mais 5828m ou même 5750m sur nos applications smartphone.

Pour atteindre son sommet, plusieurs itinéraires sont accessibles suivant l'endroit où nous installerons notre camp 1, alias "High Camp". Le pilier Sud-Ouest, l'arête Cleare, ou l'arête Tilman, qui fait office de de voie normale. Une traversée (montée par un itinéraire, descente par un autre) me motiverait particulièrement, car je n'ai jamais eu l'occasion de réaliser cela en Himalaya.

Une journée passée à marcher sur les nuages...
Une journée passée à marcher sur les nuages...

Nous disposons de 6 jours au camp de base et profitons du premier jour sur place pour partir à la découverte de ce vallon pour y déposer des affaires. Nous remontons la moraine que j'avais commencé à remonter la veille et allons jusqu'au bout avant de réaliser qu'elle ne communique pas avec la paroi et plonge dans le fond du vallon à son extrémité. Nous posons tout, repartons dormir au camp de base et le lendemain nous revenons déterminés cette fois-ci à découvrir où nous allons établir notre high camp. Aline et Emilie remontent la moraine et nous font descendre dans le vallon tout le matériel en raboutant deux cordes de 60m, bien joués les filles ! Puis nous remontons tous ensemble le vallon en direction d'une petite cascade où depuis les jumelles un passage en neige semblait possible à droite pour arriver aux abords d'un petit lac enneigé. Nous sommes aux portes de la face Sud, et je file observer comment est le pied du pilier Sud-Ouest. Trop sec pour ne pas se mettre en danger (nous n'avons prévu de toutes façons que du matériel neige et glace) alors on oublie le pilier et on va se tourner vers le glacier Est du Paldor. Aline part explorer ce qu'elle pense être un raccourci, Matthieu part sur une bosse le long du Fang, un sommet qui délimite la fin de l'arête Cleare, et je coupe en traversée.

Nous nous retrouvons pour pique-niquer puis reprenons tous la traversée menant à un col facile même s'il paraissait tourmenté de loin, et établissons notre high camp sur le début du glacier, à 5100m. Etant devant je ne résiste pas à l'envie d'aller voir un peu plus loin plutôt que d'attendre le reste du groupe et monte sur une bosse du glacier pour comprendre un peu la configuration des lieux : le Paldor Sud paraît tellement proche que je ne suis pas sûr qu'il s'agisse de lui, il faudra confirmer ça la prochaine fois. Je redescends vite au high camp en évitant 2,3 crevasses bien bouchées.

Nous redescendons rapidement au camp de base pour nous reposer une journée avant de monter pour tenter le sommet.

La journée aura été chouette, faite de découvertes et d'un peu d'exploration : j'aime ces moments où il faut chercher et découvrir l'itinéraire.


Matthieu qui dort mal et peu la nuit, renonce à aller dormir au high camp et c'est accompagné d'Aline et Emilie que je remonte au high camp pour faire une tentative. Exceptionnellement, nous serons accompagné de Bis, notre cuistot qui a déjà été porteur d'altitude jusqu'au col sud de l'Everest. Matthieu lui a laissé ses chaussures crampons et piolet, et un sac contenant des affaires qu'il devait monter. Il me convainc que cela n'entache pas mon éthique de ne pas embaucher de porteur d'altitude puisque c'est du matériel qu'il aurait dû lui porter. Soit... de toutes façons ça fait tellement plaisir à Bis de monter que je ne peux refuser. Le bougre a la caisse et me pousse à accélérer. On monte ensemble en 2h pile jusqu'au high camp et notre dépôt où il m'aide à monter la tente avant de redescendre. Aline et Emilie arrive 1h20 plus tard, c'est aussi plus rapide que la 1ère fois, la journée de repos a fait du bien !


Au Windy Col à 5500m. Au fond la 1ère partie de l'arête
Au Windy Col à 5500m. Au fond la 1ère partie de l'arête

Le lendemain je visais un sommet d'acclimatation sur la droite du glacier mais le départ est trop raide alors nous partons au Windy Col pour repérer la suite de l'itinéraire. Pas de glace, tout en neige mais un passage de 10m en rocher. Il y souffle une légère brise ... et des crevasses monstrueuses de l'autre côté. Pour rejoindre l'arête qui mène au sommet il ne faudra pas passer par ici mais prendre des pentes raides plus à gauche, qui mène au pied d'un énorme gendarme.

Cette petite montée au col pour s'acclimater n'aura pas été vaine, on comprend désormais beaucoup mieux la configuration des lieux : le Fang puis l'arête Cleare qui suit, qu'on peut rejoindre par un couloir raide en neige avec une belle rimaye à ses pieds et des crevasses ; l'arête Tilman que l'on vise qui mène à un premier sommet rocheux, puis redescend à un col avant de remonter vers l'arête finale ; et aussi une autre arête qui rejoint le sommet rocheux par le Nord-Est mais qui semble plus difficile en traversant le windy col et un champ de crevasses. La vue sur le glacier Est du Paldor est magnifique et je n'en reviens pas de toutes les possibilités qu'il y a dans ce cirque. En face de nous deux objectifs plus modestes que l'on pourrait faire avec Matthieu au retour du sommet s'il remonte.


2ème dodo désagréable, collé contre la paroi givrée avec mon corps qui glisse vers le bas de la tente. La météo indique toujours du vent et demain après-midi il sera encore plus fort, 60-65km/h au sommet alors il y a de grandes chances que l'on n'atteigne pas le sommet. Pas de pression, on verra bien.


A la sortie des pentes raides qui mènent sur l'arête, au-dessus du glacier
A la sortie des pentes raides qui mènent sur l'arête, au-dessus du glacier

Nous partons en fin de nuit, il fait un peu froid, j'annonce qu'on ne fera pas de pause avant le lever du jour et demande à Aline de se placer devant pour avancer à son rythme. Le bruit des crampons dans la neige, la corde tendue entre nous, les étoiles, l'aube qui commence à pointer son nez au loin vers le Tibet dans un mélange discret violet jaune et orange, tout cela est très beau. Après avoir traversé tout le glacier nous arrivons au pied de la pente qui mène au gendarme et on me réclame une 2ème pause : mes pieds ont froid, je sais qu'il ne faut pas que je m'arrête alors on revoit l'encordement pour qu'Aline et Emilie restent encordées plus près et je pars devant faire la trace pour me réchauffer. La neige est dure, la progression est facilitée, les conditions sont vraiment bonnes en fait ! Voilà le gendarme, je longe sa paroi et arrivé à un petit collu j'observe la suite : l'arête. Il y a un passage bien corniché suivi d'une vingtaine de mètres en rocher et un flanc raide en neige à emprunter ensuite. Nous avons tout misé sur la neige en termes de matériel (pas de coinceurs, une corde fine) et je comptais faire deux cordées de 2. A 3 sur la même corde je ne serai pas en mesure de retenir qui que ce soit. Aie. Je pose mon sac pour aller faire un aller-retour express en direction de ce passage pour vérifier cela. Ce n'est pas vraiment difficile même si le rocher semble pourri mais mes voyants tournent clairement à l'orange : corde fine empêchant toute chute sur rocher, cordée de 3 donc la chute de l'un entraînera tout le groupe, il restera environ deux, trois heures pour atteindre le sommet et Aline n'est pas physiquement au mieux, pas assez acclimatée, et surtout le vent fort est annoncé. Ce n'est pas raisonnable de continuer... je redescends au petit collu les attendre pour leur annoncer la nouvelle.

Elles acceptent ma décision avec sagesse et j'en suis soulagé. Nous allons tout de même au pied de ce passage pour qu'elles jugent aussi par elles-mêmes et c'est là que l'on aperçoit une corde fixe... Et si...Non, on ne peut pas lui faire confiance, ces cordes sont hyper fragiles et ne résistent pas au temps. Alors je sais que le sommet ne devrait être que la cerise sur le gâteau, que c'est déjà magique d'être ici, mais je sais aussi que je vais regretter ensuite ma décision, longtemps... alors j'essaye de ne pas gamberger et de ne surtout pas faire volte-face, et me force à penser que le demi-tour est la meilleure décision vis à vis de la sécurité. Nous prenons quelques photos, admirons le paysage avant de redescendre. Je ne ressens pas de frustration dans notre cordée et je trouve ça extraordinaire, merci.


Au loin derrière, le Tibet, et le Shishapangma, 8027m
Au loin derrière, le Tibet, et le Shishapangma, 8027m

L'endroit est tellement beau que c'est déjà une chance d'être venu jusqu'ici, c'est un des plus beaux paysages que j'ai pu voir en expé, comme quoi il n'est pas nécessaire d'aller très haut pour que ce soit magnifique.

Nous rentrons au High Camp de bonne heure. Vacation au talkie-walkie où j'apprends que Matthieu monte. Aline redescend pour éviter que l'on se retrouve serrés à 4 dans la tente, accompagnée d'Emilie qui a un mal de tête qui ne passe pas. Demain j'irai donc avec Matthieu au "pic Mouton" comme on l'appelle, du fait de ses nombreuses petites bosses de neige "moutonnées".

Fin d'après-midi : à peine installé, la neige se met à tomber, assez fortement. Je sors dehors, le vent a tourné au Sud, on ne voit plus très clair : changement de temps durable ou petites chutes passagères ? Matthieu me demande ce qui se passe s'il devait neiger comme ça toute la nuit. Je lui réponds que même si je crois plutôt à une chute de neige temporaire, je ne peux rien garantir et qu'au-delà de 40-50 cms il faudrait déplacer notre tente qui ne serait plus à l'abri d'une avalanche massive venant du Fang, ou alors se réfugier dans le bivouac formé de deux pierres posées que j'ai repéré 100m plus bas. Et cela pourrait poser problème pour le retour... Cela ne rassure pas Matthieu et dès lors une décision (commune) est prise de redescendre dans les bourrasques. En 10 minutes nos sacs sont prêts ! 300m plus bas on voit le plafond qui se craquelle au-dessus, le vent et la neige se calment, ce n'était qu'une crise passagère du temps. 1h30 plus tard nous sommes presque rentrés au camp de base et je pense déjà au lendemain : remonter au High Camp, le démonter, faire le "pic Mouton", repasser prendre la tente et les affaires rangées jusqu'au camp de base et faire ses sacs pour le quitter le surlendemain. Acclimatés cela tient sans problème à la journée. Matthieu renonce à remonter et contre toute attente Aline et Emilie sont partantes ! Allez feu !


En route vers le "Mouton Peak" au centre
En route vers le "pic Mouton" au centre

Derniers mètres avant le sommet
Derniers mètres avant le sommet

Et c'est comme ça qu'à 11h30 le lendemain nous sommes au sommet du "pic Mouton" à 5250m.

A droite, caché depuis plusieurs jours par le Langtang Lirung, le Shishapangma, 8027m, apparait. Depuis la plaine népalaise et les premiers contreforts de l'Himalaya, toute la chaîne semble former un cercle depuis la plaine qui passe derrière le Paldor. A l'opposé, on distingue au loin le Macchapuchare, tout à gauche de la chaîne de montagne, l'Annapurna à sa droite et devant, menaçant, la face impressionnante de l'Himal Chuli, qui en éclipserait presque le Manaslu posté à sa droite ; vision furtive, les nuages décident d'englober le 8ème plus haut sommet du monde. Entre les deux chaînes, le Paldor, et ce glacier immaculé qui nous relie à lui : quel décor !!

Pour le trek de retour nous poursuivons notre route vers l'Ouest et campons au col Pangsang. De là la vue sur la chaîne du Ganesh Himal est magnifique. Comme un trésor qui se mérite, elle nous avait été cachée durant toute la durée de notre présence dans la région. Le Pabil et le Lapsang Karbo sont particulièrement impressionnants. S'ensuivent deux nuits chez l'habitant assez rocambolesques, et le souvenir de crêpes maisons délicieuses servies au petit déjeuner qui surprendraient plus d'un breton.

Je rentre plein de nostalgie en France après plus de 5 semaines passées encore au Népal, avec l'envie de revenir à l'automne 2023, avant une pause probable au niveau des expés... L'objectif sera un beau 6000 avec une équipe assez conséquente en nombre, permettant de faire des petites cordées autonomes. Vous pouvez postuler dès maintenant !


A bientôt ?
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